Trois idées reçues sur les black blocs
30/06/2010 à 16h51
Trois idées reçues sur les black blocs, trouble-fête du G20
Carole Dieterich | LesInrocks.com
Des manifestants black bloc vandalisent une voiture d epolice avant de l’efnlammer à Toronto, lors du G20 (Saul Porto/Reuters)
Lors des manifestations anti-G20 qui se sont déroulées le week-end dernier à Toronto, des affrontements ont opposé les forces de police à « des black blocs ». En théorie, loin du groupe organisé de casseurs souvent fantasmé, le terme désigne une technique -musclée- de manif.
Le face à face a duré plus de cinq heures. Les manifestants anti-G20 et les policiers se sont affrontés pour la deuxième journée consécutive ce dimanche jusqu’à 22 heures alors que s’achevait le sommet des grandes puissances mondiales à Toronto.
Samedi déjà, des incidents avaient éclaté en marge de la manifestation, malgré le milliard de dollars alloué au dispositif de sécurité. Plus de 600 personnes ont été interpellées.
1 Le black bloc n’est pas une organisation
A l’origine des troubles selon la police canadienne : les black blocs. « Une poignée de voyous qui avaient choisi la violence pour exprimer des divergences avec les dirigeants du G20 », a déclaré Dimitri Soudas, porte-parole du premier ministre canadien Stephen Harper.
Cependant, un black bloc n’est ni une organisation constituée, ni un groupe de « blousons noirs » liés uniquement par leur envie de tout casser. C’est plutôt « un type d’action collective, une tactique », comme défini par Francis Dupuis-Déri, chercheur à l’université du Québec et lui-même militant.
Sans tous se connaître au préalable, ceux qui souhaitent former un black bloc se présentent vêtus de noir et masqués. Ce sont des regroupements éphémères à l’occasion d’une manifestation, qui se dissolvent avec elle. Dans certains cas, ils se coordonnent quelques heures avant la mobilisation ou se donnent un point de rencontre sur Internet.
Un terme inventé par la police allemande dans les années 80
Le terme « black bloc » est une invention policière allemande. Nés dans les années 80 à Berlin-Ouest, alors que la police évacuait des squats de militants autonomes, les black blocs font leur entrée dans le mouvement altermondialiste en 1999 lors du sommet de Seattle. Ils fracassent les vitrines de McDonald’s, Nike, Gap, et les succursales de banques.
Les black blocs s’attaquent aux symboles de l’Etat et du libéralisme, « mais pour le moment la violence contre les personnes n’est pas légitimée », précise Isabelle Sommier, spécialiste des mouvements d’extrême gauche (« La Violence révolutionnaire », Les Presses de Sciences Po, 2008). Exceptions faite des policiers, incarnation selon eux de la violence d’Etat.
Si leurs places fortes sont l’Allemagne et Zurich (Suisse), ces formations sont très présentes lors des manifestations altermondialistes. Ce qui n’est pas du goût de tout le monde. Certaines organisations, comme Les Amis de la Terre, se veulent pacifistes et condamnent tout recours à la violence. Mais au sein du mouvement alter, les opinions sur cette stratégie sont partagées, comme en témoigne la position de cette militante :
« Il est difficile de condamner les black blocs dans leur ensemble, car ils sont très hétérogènes. Détruire des caméras de surveillance, taguer les banques, je trouve ça légitime parce que le système est violent. En revanche, quand ils démolissent des bagnoles dans des quartiers défavorisés, ça me dérange. »
2 Les black blocs ne sont pas des casseurs sans opinions politiques
Le principe des black blocs s’inscrit dans l’idéologie du mouvement autonome et la violence comporte donc une dimension politique. Isabelle Sommier explique :
« On retrouve l’idée du communisme ici et maintenant. On s’approprie le bien convoité. L’objectif n’est pas de conquérir le pouvoir mais de libérer momentanément l’espace du contrôle de l’Etat. C’est ce qu’Hakim Bey appelle les TAZ, les “zones autonomes temporaires”. »
La logique autonome revendique l’indépendance des luttes à l’égard de toute organisation politique et syndicale et valorise les actions spontanées, indique Isabelle Sommier :
« Ce qui prime, c’est l’action, les blacks blocs se greffent aux manifestations car ce sont des opportunités d’agir. »
« Frapper un flic, ce n’est pas de la violence, c’est de la vengeance »
Dans « Black blocs : bas les masques », Francis Dupuis-Déri écrit :
« L’action directe violente est perçue comme un moyen efficace et simple de critiquer le capitalisme et l’État libéral. [...]
La critique s’exprime directement puisque le système économique et politique illégitime s’incarne dans la cible des frappes (des McDonald’s, des banques, le siège du Fonds monétaire international ou le périmètre de sécurité qui protège le sommet du G8). »
Les justifications à l’utilisation de la violence sont donc politiques et économiques mais aussi socio-psychologiques. Dans un entretien avec Francis Dupuis-Déri, un jeune adulte issu d’un quartier défavorisé de Montréal et ayant participé à des black blocs, déclare :
« Frapper un flic, ce n’est pas de la violence, c’est de la vengeance. »
Cela révélerait le besoin de réparation des victimes habituelles de la violence policière.
3 Les black blocs ne sont pas toujours violents
Francis Dupuis-Déry distingue trois stratégies possibles des black blocs : offensive, défensive et « de soutien ». Il explique :
« Des membres de black blocs refusent même d’avoir personnellement recours à la force et se regroupent, par exemple, au sein des groupes d’affinité d’infirmiers volontaires. »
Contrairement au chercheur, Isabelle Sommier considère qu’un black bloc « est systématiquement violent ». Elle reconnaît cependant l’existence de groupes comme les Silver Blocs, prônant l’action directe non violente, ou les Pink blocs, vêtus de rose, qui utilisent la dérision.
Comentarios
Publicar un comentario