La apropiación del suelo nació en la edad de bronce
El catastro romano sería así un paso más en una larga historia en la que la tierra era el objeto de luchas sociales, acumulación por parte de los poderosos y expropiación a los "pequeños", es lo que se extrae como resultado de estudios arqueológicos en el suelo del norte de Francia.
Adolfo-2013
LA PROPRIÉTÉ DU SOL NAÎT À L'ÂGE DU BRONZE
10 JUIN 2013 / ARCHÉO, SCIENCES HUMAINES ET DIVERS
Fuente: liberation sciences
Adolfo-2013
LA PROPRIÉTÉ DU SOL NAÎT À L'ÂGE DU BRONZE
10 JUIN 2013 / ARCHÉO, SCIENCES HUMAINES ET DIVERS
Fuente: liberation sciences
Un homme de l'Âge du BronzeNulle terre sans propriétaire ! Et ce, dès l’orée de l’âge du bronze – de 2 300 à 800 ans avant J.-C. en Europe de l’Ouest. Voilà ce qui ressort des travaux d’archéologues sur le sol français en particulier dans le nord du pays. Le cadastre romain ne serait ainsi qu’une étape d’une très longue histoire au cours de laquelle ce sol fut l’objet de luttes sociales, d’accaparement par les puissants et de réappropriations par les «petits», racontent-ils. Cette histoire agraire au long cours, les archéologues la reconstituent à l’aide de traces fugaces, celles de fossés, de trous de poteaux et d’enclos, de fondations de silos et d’habitations, éclairées par des objets révélant des structures sociales.
Seuls 15 à 20% des 1,5 million d’hectares artificialisés depuis trente ans par les travaux d’aménagement du territoire ont fait l’objet de fouillesarchéologiques préventives. Toutefois, ce petit pourcentage représente une augmentation considérable des surfaces fouillées, par rapport à la grande destruction des Trente Glorieuses, de 1950 à 1980, où notre patrimoine archéologique a reçu des coups irrémédiables. Ces quinze dernières années, des fouilles d’une ampleur sans précédent, «véritables laboratoires à ciel ouvert»,portant sur des surfaces cumulées allant jusqu’à des milliers d’hectares, ont ouvert une fenêtre nouvelle sur le passé de notre territoire (1). Elles ont permis de mettre au jour les sociétés rurales, autrement dit entre 80 et 90% de la population des périodes pré-industrielles. Spécialiste de l’âge du bronze et responsable de fouilles menées par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) en Normandie et dans le nord de la France,Cyril Marcigny fait le point sur ces découvertes.
Qu’est-ce que les archéologues ont appris de nouveau sur l’âge du bronze ?
Cyril Marcigny: Les fouilles préventives liées aux aménagementsnous ont permis de dépasser la dimension des «sites» et d’aller au-delà de l’habitat, d’appréhender le «hors sites» : les espaces agraires, les champs, les chemins, les relations entre espaces cultivés et forêts… L’âge du bronze, un des «oubliés de l’histoire» entre le néolithique et l’âge du fer, a bénéficié à plein de ces nouveaux travaux archéologiques, en particulier dans le nord et l’ouest de la France. L’ouverture de fenêtres de fouilles de plusieurs hectares a permis l’étude des systèmes agricoles et en particulier les parcellaires, avec l’observation de champs délimités par de profonds fossés, fondés plus de 2 000 ans avant J.-C. Ce Reconstitution d'un parcellaire de l'âge du Bronze dans la Manchefut une révélation car nous pensions que ces parcellaires ne remontaient qu’à l’âge du fer, plus particulièrement au IIIe siècle avant J.-C. Retrouver ces traces aussi loin dans le temps était inattendu en France mais renvoyait à des découvertes similaires au sud de l’Angleterre et aux Pays-Bas.
A quoi ressemblaient ces paysages agraires et les activités des paysans ?
Cyril Marcigny: Le paysage avait une allure de bocage. Un système de fossés et de talus formant des haies vives plantées d’arbustes ou d’arbres. Les talus ont été arasés depuis, mais on peut déduire leur existence des restes de fossés que l’on retrouve en réseaux. Ils délimitent des champs et des chemins qui rejoignent les habitats. Les champs s’étendent en moyenne sur 6 000 m2, surface que l’on peut travailler en une journée avec un araire. La densité humaine de ces espaces est assez régulière lors de cette période, avec un pic de population qui commence à la fin du bronze ancien, vers 1 600 avant J.-C., et se prolonge sur près d’un millénaire. A large échelle, ces territoires constituent des îlots de 300 à 400 hectares, cultivés et habités, qui forment des «chefferies» séparées par des reliques de forêts.
Voit-on des traces de rotations de cultures sur une longue durée, avec des espaces reforestés ou une spécialisation des sols cultivés ?
Cyril Marcigny: A la différence du néolithique, où les populations se déplacent au fur et à mesure que les sols sont appauvris par la culture, l’âge du bronze les voit se fixer ur des sites pour plusieurs siècles. Le site de Tatihou, près du littoral de la Manche, est un bon exemple. On y observe près de huit siècles d’occupation continue. Une telle persistance, même si les agriculteurs utilisent une rotation des terres Reconstitution de ferme à l'âge du Bronzeavec jachère, suppose un amendement des sols que nous cherchons à prouver par des analyses chimiques. Près du littoral, il a pu y avoir des récoltes et de l’épandage de varech. Le système parcellaire pourrait aussi constituer une sorte de calendrier de l’usage des sols pour les paysans, un outil de gestion.
Quel système agraire et quelles relations entre la culture et l’élevage avez-vous découverts ?
Cyril Marcigny: Nous savons que l’élevage était important, surtout celui du bœuf dans le Nord et l’Ouest, puis du porc et des caprinés. Il devait mettre à profit des zones non cultivées, landes et forêts, un peu comme à l’époque médiévale et dont les déjections pouvaient être utilisées comme fumure. Dans les champs, on relève surtout des céréales – blé et orge – avec des variétés qui évoluent en fonction du temps et des variations climatiques. Au plus près des habitations, le maraîchage domine avec du pois, des vesces ou des lentilles.
L’étude archéologique donne-t-elle accès à l’organisation sociale, aux rapports de production durant l’âge du bronze ?
Cyril Marcigny: La découverte du parcellaire vient s’ajouter à d’autres données archéologiques plus anciennes sur les systèmes funéraires, les objets en métal, les traces d’habitats, qui montrent que la façade atlantique de l’Europe a vu l’éclosion d’une élite sociale au bronze ancien. Elle bénéficie en particulier d’une inhumation dans de grands tumulus dont les chambres funéraires livrent un abondant et luxueux mobilier, comme en Bretagne à Saint-Jude, Bourbriac ou Plouvorn. A la tête de chefferies, les Une hache archéologique remontée sur un manchebig men impulsent vers 2 000-1 700 avant J.-C. cette gestion de l’espace fondée sur une notion révolutionnaire à l’époque : la propriété du sol. Et c’est la découverte du parcellaire agraire qui fonde cette interprétation, osée auparavant.
La propriété foncière aurait donc été inventée à l’âge du bronze ?
Cyril Marcigny: C’est l’hypothèse que je défends à partir des données archéologiques du Nord et de l’Ouest de la France. Une vision en rupture avec le néolithique, aux racines de l’histoire. Et cette invention est liée à une nouvelle structure sociale fortement inégalitaire, avec une «tête», un big man. Les parcellaires sont d’un seul tenant, avec un quadrillage régulier de l’espace sur une centaine ou plusieurs milliers d’hectares comme dans le Dartmoor en Cornouailles, créé par des travaux de grande envergure – les fossés font de 1,50 mètre à 1,70 mètre de profondeur –, ce qui exige la mise en commun de forces de travail… Soit cela provient d’une coopération volontaire d’égaux, soit cela résulte de l’impulsion d’un groupe dominant la société. Pour le bronze ancien, les indices plaident, à mon sens, pour le deuxième terme.
Et cette domination dure ?
Cyril Marcigny: Nous trouvons des indices montrant qu’elle s’estompe vers 1 600-1 500 avant J.-C., puis s’effondre. A la même période, les grands tumulus dédiés à un seul personnage, enterré avec des objets en bronze témoignant de son statut social, disparaissent. On observe plutôt une sorte de démocratisation de l’accès à l’inhumation en tumulus. Au niveau du parcellaire, on note une Arme de l'âge du Bronzemultiplication des fermes à travers les champs qui réutilisent des parcelles(les squattent), et non plus un seul habitat comme à Tatihou ou Bayeux, dans le Calvados. Les sociétés passent visiblement à une autre organisation, tout en continuant à utiliser le même parcellaire pour l’exploitation agricole. La gestion de l’espace est plus communautairecollective. Cette évolution n’est pas spécifique des zones fouillées ces quinze dernières années en France, nos collègues britanniques font les mêmes observations.
Une sorte de révolution démocratique au bronze moyen contre l’accaparement des terres… L’histoire n’est donc pas allée toujours dans le sens d’une différenciation sociale accrue ?
Cyril Marcigny: Il faut imaginer des fluctuations très fortes. Nous n’avons pas d’informations sur la manière dont ces révolutions se sont produites. Ont-elles été causées par un refus de la domination – matérielle et idéologique – des élites ? ? Ou par une compétition entre élites qui auraient tourné à leur détriment ? Ou encore par l’effet d’évolutions climatiques ? Nous ne le savons pas. Mais ces élites apparaissent et disparaissent plusieurs fois. Jusqu’à l’âge du fer, où la domination des puissants s’installe plus durablement.
Alors pourquoi ne pas aller défricher plus loin, occuper un territoire libre, comme lors du néolithique ?
Cyril Marcigny: Manifestement, il n’est plus possible de faire son baluchon et d’aller défricher plus loin, comme les paysans le faisaient depuis des millénaires. La plupart des bonnes terres – des limons profonds que l’on peut ouvrir à l’araire et qui donnent les meilleurs rendementsagricoles, peu élevés à l’époque – sont occupées. Il est intéressant de noter que le bronze moyen, lorsque les élites connaissent leur première disparition, coïncide avec une période climatique plus chaude et donc favorable aux Maquette de fermecéréales. Cela permet de cultiver de nouvelles terres et aurait pu faciliter l’émancipation par rapport aux big men. A l’inverse, les péjorations climatiques, lorsque les agriculteurs doivent trouver d’autres variétés, voire passer de l’orge nue au seigle comme en Grande-Bretagne, crisperaient les sociétés, favorisant violences et dominations, même s’il s’agit d’une hypothèse.
Un autre facteur d’évolution sociale est à corréler à la diffusion de la métallurgie. Les premiers métallurgistes, en lien avec les élites du bronze ancien, jouissaient d’un certain «monopole» qu’ils entretenaient en se positionnant sur les points critiques de la circulation et des gisements des matières premières, l’étain et le cuivre. Les sites de Cornouaille, continentale et britannique, en sont un bon exemple. Puis le savoir s’est répandu, comme le bronze qui peut être refondu et reforgé. La première démocratisation de l’outil en métal pourrait donc être liée à la mise en cause des élites. On sait qu’en Normandie, une école métallurgique est fondée au bronze moyen, produisant en série des haches à talon alors qu’il n’y a pas de mines d’étain à proximité. La première disponibilité du métal a certainement joué un rôle dans l’émergence d’une plus forte stratification sociale et donc dans l’invention de la propriété du sol– la décision de s’approprier un espace –. Mais l’élargissement de son contrôle économique et de son usage a aussi pu être utilisé pour la contestation – du moins la disparition temporaire – de cette stratification. Puis, avec l’âge du fer, les classes dominantes ne lâcheront plus leur pouvoir.•
(1) Vincent Carpentier et Cyril Marcigny : «Des hommes aux champs, pour une archéologie des espaces ruraux du néolithique au Moyen Age», Presses universitaires de Rennes, 459 pp., 35 €.
► Note de vendredi dernier, à l'occasion des journées nationales de l'archéologie.
Par Sylvestre Huet, le 10 juin 2013
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